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Articles Tuesday, November 5, 2024

Comment se porte la santé mentale des juristes québécois et canadiens?

By Julie Perreault

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C’est ce que l’équipe de recherche derrière l’Étude nationale des déterminants de la santé psychologique des professionnels du droit au Canada a cherché à savoir. Cette dernière nous fait part de ses constats avec la publication des résultats de la phase  2 de ses travaux.

Publiée au mois d’octobre dernier, la deuxième portion de cette étude entamée en 2019 a permis à l’équipe de recherche pilotée par la professeure Nathalie Cadieux de mieux identifier les défis en matière de santé psychologique chez les avocats et les avocates canadiens. Son équipe a également été en mesure de formuler des recommandations pour améliorer la situation.

Une détresse et une fatigue (très) palpables

«  Je dirais que les défis observés sont relativement les mêmes, que l’on parle de juristes québécois ou canadiens. Parmi ceux-ci, on a recensé des symptômes dépressifs, de burn-out, une proportion importante de professionnels qui ont eu des idées suicidaires depuis le début de leur pratique  », cite notamment en exemple la professeure Cadieux. 

En effet, selon les données recueillies par l’équipe de recherche, 1  professionnel sur 5 ayant été sondés a indiqué avoir eu des idées suicidaires liées à leur travail. Toutefois, certains groupes semblaient plus touchés que d’autres, puisque la statistique monte à  :

  • 30  % pour les avocats et les avocates travaillant dans les territoires canadiens,
  • 69,9  % pour les juristes s’identifiant comme non binaires,
  • 27,2  % pour ceux et celles qui travaillent dans un PMSBL ou un organisme communautaire.

Dans le lot, les 36 à 40  ans avaient une prévalence plus élevée, soit de 27,2  %. Ces derniers étaient suivis de près par la tranche d’âge des 46 à 50  ans. 

«  Nous avons aussi pu constater par l’intermédiaire de l’étude que près de la moitié des professionnels sondés seraient prêts à changer de carrière s’ils gagnaient le même salaire. Comme raisons citées, les gens nous ont mentionné les conditions de travail difficiles. C’est que le travail de l’avocat est profondément humain.  » 

La professeure Nathalie Cadieux

«  Il s’accompagne d’une charge émotionnelle qu’il peut être difficile de laisser derrière une fois la journée terminée. La pression des heures facturables ainsi que la charge de travail oppressante ont aussi été nommées  », explique la professeure Cadieux. D’ailleurs, cette proportion de gens prêts à changer de carrière grimperait à 59,1  % pour les juristes pratiquant depuis moins de 10  ans.

Dans la même lignée, l’équipe de recherche a demandé aux participants et participantes, durant la phase  2 de l’étude, de hiérarchiser trois priorités dans le cadre de leur travail parmi une dizaine de thèmes présentés. Autant au Québec que dans le reste du Canada, une majorité de juristes ont choisi les thèmes ci-dessous sur lesquels ils aimeraient voir une amélioration  :

  • les conditions de travail et charge mentale
  • l’équilibre travail-vie personnelle
  • les habitudes de vie et les stratégies d’adaptation face au stress.

Des initiatives en place 

Depuis la publication de la première phase de l’étude, de nombreux organismes et intervenants du milieu juridique pancanadien se sont activés à mettre en place des mesures afin d’aider les juristes. Entre autres, au Barreau du Québec, «  une entente a été conclue avec le Programme d’aide aux membres du Barreau du Québec (PAMBA) pour qu’il fournisse aux étudiants et aux stagiaires de l’École (du Barreau) qui en ont besoin, de l’écoute et de l’aide au regard de leur santé psychologique et de leur bien-être. L’École tient aussi un plan d’action sur la santé psychologique, comme l’indiquait l’une de nos recommandations issues de l’Étude  », cite en exemple madame Cadieux.

«  L’Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ) a également mis sur pied un service pour les notaires en période de transition professionnelle, autant à l’entrée de la profession, en cours de carrière ou à la sortie, pour les aiguiller dans leur cheminement et les supporter dans les enjeux vécus  », mentionne également cette dernière, faisant écho à une autre des recommandations formulées par l’équipe de recherche. 

D’autres solutions envisagées

Au-delà de ces initiatives, la professeure Cadieux croit qu’une amélioration du contexte doit notamment passer par une meilleure préparation de la relève, soit développer des compétences transversales, améliorer la gestion des émotions et l’encadrement, augmenter les occasions de travailler en équipe, implanter davantage de pairage au travail, etc. «  Le soutien des collègues, c’est la meilleure ressource, selon les études, pour protéger le mieux-être  », renchérit la professeure.

En ce qui a trait à la pression reliée aux heures facturables, cette dernière évoque l’exemple du Barreau de Victoria, en Australie, qui réfléchit à la possibilité de plafonner le nombre d’heures facturables. «  Selon une recherche menée aux États-Unis, après 1   800  heures d’heures facturables par année, la santé des juristes devient compromise. Il est donc impératif de repenser le modèle de facturation  », résume la chercheuse. 

Des stigmates persistants

En pilotant cette étude et en diffusant les résultats, la professeure Nathalie Cadieux a voulu notamment démontrer que tous et toutes peuvent voir leur santé mentale mise à mal, un jour ou l’autre et que le fait de vivre de la détresse psychologique ne change en rien les compétences d’une personne. «  Il faut juste que les professionnels comprennent qu’il faut aller chercher de l’aide lorsqu’on en a besoin. Je voulais, entre autres, par cette étude, sensibiliser à déconstruire le lien entre la compétence et la santé  », indique cette dernière.

Lors de l’étude, l’équipe a demandé aux participants et participantes si cela leur était arrivé d’avoir besoin d’aide et de ne pas l’avoir demandé. Environ, 40,4  % ont répondu par l’affirmative. « Les raisons invoquées pour ne pas l’avoir fait sont très liées à la peur d’être stigmatisé, soit  : peur de ne pas être cru, peur de ne plus recevoir de dossiers intéressants, peur de ne plus avoir de promotion, peur que les gens à mon travail l’apprennent, etc. », explique la professeure.

Pour mieux illustrer  : 

24,7  % se sont dit que leur état (de détresse) était temporaire;
17,6  % ont indiqué ne pas avoir le temps de trouver de l’aide;
13,1  % ont indiqué ne pas avoir l’énergie, ce qui sous-entend que leur état s’était empiré. 

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