Dossiers Monday, February 5, 2024
Portrait de Me Natacha Calixte
Une avocate loin des parcours tracés d’avance
par Julie Perrault
Bien que l’on voie souvent des parcours scolaires et même professionnels présentés comme une suite logique et linéaire, la réalité est souvent truffée de courbes, et ce, pour bon nombre de personnes. Cela a été le cas de Me Natacha Calixte, qui est avocate en droit familial et associée au sein du cabinet Robinson Sheppard Shapiro.
« C’était le rêve de mon père de son vivant (que je sois avocate). J’ai d’ailleurs son diplôme de la Faculté de droit de Port-au-Prince dans mon bureau », m’indique Me Calixte tout en me pointant le précieux cadre. De prime abord, on pourrait croire que le droit lui était prédestiné et qu’il constituait son premier et ultime but. Et pourtant, l’appel s’est fait entendre plus tardivement…
« J’ai d’abord étudié en administration et en marketing. Puis, j’ai travaillé chez BMO pendant quelques années. Par la suite, j’ai fait le saut au département de ventes et marketing chez TVA. C’est à ce moment que mon questionnement a commencé. J’aimais ce que je faisais, mais je n’avais pas l’impression que c’était ma carrière, que c’était ce que je voulais faire à long terme », explique Me Calixte. Après mûre réflexion, cette dernière réalise que, tout comme son père, le domaine de la justice l’interpelle. Elle s’inscrit donc au baccalauréat en droit à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
« J’ai beaucoup aimé mes études. Mon objectif était de faire le baccalauréat en droit, mais je ne planifiais pas de devenir avocate et de faire l’École du Barreau. Je ne croyais pas être en mesure d’y arriver pour toutes sortes de raisons », se remémore-t-elle. Cependant, ce n’était pas la vision de son entourage, dont sa mère qui lui rappelle que, malgré les obstacles, le parcours, l’école choisie ou les embûches, « c’est toi qui vas faire la différence ». Et du premier coup, l’aspirante avocate d’alors réussit son examen du Barreau.
Le choix de sa pratique
Tout comme pour son parcours professionnel, la décision du domaine de droit particulier vers lequel elle se dirigerait n’était pas déjà arrêtée. C’est plutôt son stage qui lui a permis de trouver sa voie. « J’ai choisi le droit de la famille par hasard. J’avais 34 ans au moment du stage étant donné qu’il s’agissait d’une seconde carrière. Il m’apparaissait important de trouver un endroit où je pouvais apprendre les différents rouages du droit en exerçant en pratique privée, et ce, auprès d’une personne compétente et affichant une réputation exemplaire », explique Me Calixte.
« J’ai donc eu la chance de faire mon stage et de débuter ma carrière dans un cabinet boutique auprès de Me Richard McConomy, ancien bâtonnier de Montréal et considéré comme un pionnier en matière de médiation. J’ai tellement appris en étant à ses côtés. De la première rencontre à la préparation d’audiences, aux procès, aux procédures, à la facturation…, j’étais impliquée dans chacune des étapes. Ça a été une école de formation incroyable. Me McConomy a été un excellent maître de stage », se rappelle l’avocate.
De stagiaire à experte
Pendant près de deux ans, Me Calixte évolue au sein du cabinet McConomy Narvey Green, jusqu’à ce que des membres du cabinet de Robinson Sheppard Shapiro repèrent son talent. « Je n’aspirais pas aux bureaux de cette taille. C’est Karen Kear-Jodoin (aujourd’hui juge à la Cour supérieure du Québec) qui m’a invitée à me joindre à son équipe. Après une rencontre avec elle et Me Lynne Kassie, Ad. E., j’ai fait le saut. Me McConomy était heureux et fier de moi », précise cette dernière. Tout comme durant son stage, Me Calixte se plonge dans différents dossiers, parfois complexes et souvent délicats. Cela lui permet de peaufiner et d’acquérir de nouvelles connaissances, dont la gestion de patrimoine interprovinciale et internationale.
Outre son travail quotidien, elle se joint au comité de sélection pour la course aux stages de son cabinet. « J’ai eu la chance de bénéficier de l’expertise et des compétences de mes pairs plus expérimentés et c’est à mon tour de jouer le rôle de mentor et de contribuer concrètement à la cohésion du groupe, et j’en suis fort heureuse. Sachant que la pratique peut être difficile, c’est important non seulement de bien s’entendre avec nos collègues, mais aussi de s’assurer d’inclure chacune d’elles, chacun d’eux, pour qu’il y ait une saine cohésion et que nous partagions des objectifs communs. »
Aujourd’hui, Me Calixte est considérée comme une experte dans son champ de pratique, ayant été nommée à deux reprises Best Lawyers in Canada en droit de la famille. Sa renommée a d’ailleurs amené l’équipe d’inspection professionnelle du Barreau du Québec à recourir à ses services. Si l’avocate a bien aimé son expérience, notamment pour « la démarche formatrice plutôt que punitive et les dialogues constructifs qui en ont suivi », cela a aussi ravivé son amour pour l’enseignement.
« Ce pan de ma vie, je le nourris actuellement avec mon rôle de mentor et en dispensant des formations et des conférences. Mais qui sait, peut-être ferai-je le saut un jour en tant que chargée de cours en droit? Comme quoi, je suis vraiment la fille de mon père qui, lorsqu’il est arrivé au Québec, a troqué le droit pour l’enseignement ».
Questions en rafales
Votre stage a été déterminant dans le chemin qu’a pris votre carrière. Que recommanderiez-vous aux futurs avocats et avocates?
C’est important de pouvoir identifier ce dont vous avez besoin pour votre carrière, pour avancer. Ne choisissez pas seulement une bannière. La réputation et la compétence d’un maître de stage de même que sa disponibilité envers vous ont une grande importance pour l’apprentissage, et ce, peu importe la taille du cabinet.
Le droit familial peut être difficile émotionnellement. Quel conseil donneriez-vous à un pair qui évolue dans ce champ de pratique?
Je dirais : trouvez-vous une activité pour vous vider la tête et faire le plein d’énergie. De mon côté, je pratique régulièrement le tennis et ça fait du bien, physiquement et mentalement. Me concentrer uniquement sur la balle et le jeu pendant un moment, ça me recharge les batteries.
Finalement, en ce Mois de l’histoire des Noirs, que diriez-vous aux aspirants avocats et avocates?
Il ne faut pas que les commentaires des gens soient des barrières à vos aspirations, mais que ceux-ci soient plutôt votre moteur. Tout en étant votre moteur, il faut réaliser et accepter qu’il n’y a rien de facile. Les résultats ne seront pas automatiques. Oui, il y aura des pleurs, il y aura des découragements. Atteindre un but se fait aussi par des sacrifices, des remises en question et beaucoup de travail. Et passer à travers tout cela nous fait grandir et apporte beaucoup de satisfaction. À tous mes compatriotes : Kenbe pas lagé!