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Articles mardi 9 décembre 2025

Séjour sur le vieux continent

Le passeport estampillé, bientôt chose du passé

Par Julie Perreault

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Vous projetez un voyage en Europe? Les nouvelles mesures de sécurité lors des entrées pour un court séjour utiliseront vos données biométriques. 

Le 8 novembre dernier, La Presse canadienne rapportait, sur la plateforme de Radio-Canada, que 29  pays européens ont déployé un nouveau système d’enregistrement numérique, le système d’entrée/de sortie ou Entry Exit System (EES) pour les personnes effectuant un court séjour sur leur territoire. Mis en place pour remplacer progressivement l’estampillage manuel des passeports aux postes frontaliers, le système EES devrait être entièrement opérationnel d’ici le 10  avril 2026.

Jusque-là rien de choquant, si ce n’est le fait que «  le système EES aura recours à diverses technologies, y compris des kiosques électroniques, pour recueillir des images faciales et des empreintes digitales afin de vérifier les identités  », selon le même article. Étant donné que les données biométriques sont des renseignements sensibles, les Canadiens et les Canadiennes auront-ils le droit de refuser de les fournir? Est-ce qu’il faudra aussi fournir ses données lors de séjours touristiques en Europe? Pour y voir plus clair, nous avons posé ces questions à Baptiste Jouzier, chargé de cours à l’Université Laval et chercheur postdoctoral à la Faculté de droit de l’Université McGill, ayant notamment pour sujets de recherche le droit de l’immigration et les droits de la personne.

Distinguer l’EES de l’ETIAS

Les informations collectées par l’EES

Ainsi pour toutes les personnes franchissant une frontière extérieure de l’espace Schengen dans le cadre d’un court séjour, notamment touristique, trois types de données seront demandés  : 

  1. les données inscrites sur le document de voyage, soit prénom, nom et numéro de passeport;
  2. les données du passage à la frontière, c’est-à-dire la date, l’heure et le lieu de l’entrée et de la sortie et, si applicable, le motif du refus;
  3. les données biométriques, plus précisément l’image faciale et les empreintes digitales du ressortissant ou de la ressortissante.

Celles-ci seront ensuite conservées pendant trois ans. Il ne sera donc pas nécessaire de les présenter à nouveau si vous retournez dans l’un des pays employant le système EES. 

Ces données pourraient toutefois être conservées plus longtemps. «  Chaque ressortissant et ressortissante aura la responsabilité de calculer son nombre de journées passées sur le territoire de Schengen. Par exemple, si vous restez 100  jours sur 180  jours — sans demander les autorisations requises —, il y aura une alerte. Vous serez alors considéré comme immigrant irrégulier et vos données seront conservées plus longtemps, soit cinq ans au lieu de trois ans. Il peut aussi y avoir un risque que l’on vous refuse l’entrée si vous refaites une demande d’ETIAS ou de visa ultérieurement. Il va falloir être vigilant pour les durées. Mais, il devrait y avoir un site Internet pour aider à calculer le temps  », indique Baptiste Jouzier.

Peut-on refuser la collecte de données biométriques?

Bien qu’il s’agisse de données sensibles, les demandeurs et demanderesses ne pourront refuser leur collecte. En effet, en cas de refus de la personne, celle-ci se verra tout bonnement interdire l’entrée sur le territoire des pays employant l’EES. Cependant, ces derniers auront un droit de consultation et de demande de correction, le cas échéant, des données récoltées.

Néanmoins, il existe certaines exceptions. Entre autres, les détenteurs d’un visa de long séjour ou d’un titre de séjour n’auront pas à faire enregistrer leurs données biométriques par le système EES. Cependant, les procédures en place pour les autres types de visa et documents exigent déjà une collecte similaire de données. 

Une procédure qui n’est pas unique…

La collecte de données biométriques demeure un sujet sensible. Mais, il faut aussi savoir que les pays de l’espace Schengen ne sont pas les seuls à employer cette méthode. 

En effet, le Canada a commencé à demander ce type de données en 2013. Cinq ans plus tard, cette exigence s’est étendue aux demandeurs et demanderesses provenant de pays de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Afrique, de l’Asie, de l’Asie-Pacifique et des Amériques. Cette règle s’applique pour les demandeurs  :

  • d’asile ou du statut de réfugié,
  • de résidence temporaire, à l’exception des ressortissants des États‑Unis,
  • de résidence permanente ou d’une nouvelle carte de résident permanent si la personne était âgée de 13 ans ou moins lors de sa première demande,
  • de visa de visiteur ou d’une prolongation de visa,
  • d’un permis de travail ou d’études initial ou de prolongation.

Ainsi, avec l’évolution des technologies et les défis de notre époque, il semble que l’emploi de données biométriques devient de plus en plus commun. Néanmoins, cela ramène à l’avant-plan la nécessité d’un encadrement juridique ferme pour les organisations qui n’auraient pas encore mis en place de tels garde-fous dans ce domaine.

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