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Articles vendredi 15 novembre 2024

La sécurité routière, c’est l’affaire de tous!

Par Me André Lavoie, avocat à la retraite

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Au cours des dernières semaines, le débat sur le taux d’alcool limite autorisé pour conduire un véhicule automobile a refait surface[1]. Avec la publication dans les médias d’un rapport caviardé de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) datant de novembre 2023[2], plusieurs groupes sont montés au créneau pour réclamer que le gouvernement endosse l’implantation de mesures administratives pour sanctionner les conducteurs et les conductrices dont l’alcoolémie se situe entre 0,05 et 0,08 gramme d’alcool par litre de sang.

 

Survenue pendant le Mois du piéton, cette discussion a en quelque sorte éclipsé une initiative de la SAAQ qui, en collaboration avec plusieurs partenaires, rappelait aux conducteurs, conductrices, piétons et piétonnes certaines règles élémentaires susceptibles de sauver des vies lorsqu’elles sont mises en application.

 

Il ne se passe malheureusement pas une semaine sans que l’actualité ne rapporte un accident impliquant des piétons ou piétonnes ou des cyclistes. Le bilan routier annuel établi par la SAAQ nous rappelle cette triste réalité des dommages corporels, souvent fatals, causés aux piétons, piétonnes et cyclistes par un accident de la route au Québec. La sortie publique de l’organisme est une occasion de remémorer aux usagers et usagères de la route l’importance de la sécurité routière, du partage de la route et du changement des comportements, notamment du point de vue de la distraction au volant lorsqu’on se déplace sur les routes ou les pistes cyclables du Québec.

 

Vers une diversification des modes de transport

 

Depuis vingt ans, la densification des milieux urbains et des zones limitrophes avec les régions du Québec a entraîné une multiplication des véhicules motorisés sur nos routes. Avec les bouchons de circulation qui s’alourdissent de jour en jour, un nombre croissant de personnes préconise le transport actif par des moyens de tout genre. Dans ce contexte, le partage de la route est devenu un enjeu de tous les instants, face à des bilans routiers encore trop néfastes malgré la sensibilisation effectuée par les autorités gouvernementales ou les organismes sans but lucratif comme CAA ou Vélo Québec. Cela est particulièrement vrai dans les villes où se côtoient notamment camions, automobiles et motocyclettes, scooters, trottinettes et vélos, électriques ou non, sans oublier, bien entendu, les piétons et les piétonnes.

L’encadrement législatif des déplacements sur les routes au Québec

Depuis près de cinq décennies, le Québec compte sur des lois parmi les plus progressistes en matière de sécurité routière et de compensation des victimes des accidents de la route.

Il y a plus de 45  ans, le Québec se dotait d’un régime public d’assurance automobile. Avec l’entrée en vigueur de la Loi sur l’assurance automobile, le 1er  mars 1978, ce régime permettait d'obtenir une compensation pour les pertes financières résultant des dommages corporels subis dans un accident de la route, que ce soit à titre de conducteur ou conductrice, de passager ou passagère, de piéton ou piétonne, de cycliste ou de motocycliste, et que l'accident ait lieu au Québec ou ailleurs dans le monde sans égard à la responsabilité (no-fault).

En 1990, la Loi est réformée et adaptée aux nouvelles réalités. Tout en maintenant les fondements du régime, cette nouvelle mouture de la Loi sur l'assurance automobile établit un meilleur équilibre en éliminant les dédommagements excessifs ou insuffisants de certaines catégories de victimes de la route. Les grands blessés sont justement indemnisés, et l'administration du régime est simplifiée.

La pièce maîtresse : le Code de la sécurité routière

En 1985, on remplace le Code de la route, vieux de plus de soixante ans, par le Code de la sécurité routière pour mieux faire face aux nouvelles réalités. Ce Code vient baliser davantage l’utilisation des véhicules sur les chemins publics et sur certains chemins et terrains privés, ainsi que la circulation des piétons, piétonnes, cyclistes et des autres usagers ou usagères de la route sur les chemins publics.

Adopté dans la foulée de la Loi sur l’assurance automobile qui régissait la compensation des victimes d’accidents de la route, cette première version du Code de la sécurité routière prévoit notamment une hausse importante des amendes, la révocation du permis de conduire et des mesures renforcées pour pénaliser la conduite avec les facultés affaiblies. Cette dernière, à l’époque, représente un véritable fléau pour la société québécoise, et le législateur veut, avec raison, contrecarrer ce type de comportement par la mise en place d’un arsenal de mesures susceptibles de décourager les contrevenants et contrevenantes potentiels. 

Au fil du temps et bien que la conduite avec les facultés affaiblies ait fait l’objet d’une préoccupation constante au Québec, d’autres réalités surgissent de telle sorte que le législateur québécois doit modifier son approche. La dernière réforme de cette importante législation remonte à 2018. Devant un bilan routier peu envieux, le gouvernement souhaite envoyer un message fort pour proscrire les comportements à risque en mettant ainsi de l’avant le principe de prudence pour améliorer le partage de la route.  

Le partage de la route  : une priorité bien actuelle

Les plus récentes modifications au Code de la sécurité routière ont été apportées il y a maintenant plus de six ans, et en 2024. En les adoptant, le législateur a eu comme objectifs d’améliorer le bilan routier, de favoriser un accès plus sécuritaire au réseau routier pour certains véhicules et usagers, d’encadrer plus efficacement l’utilisation de certains véhicules, équipements ou appareils, de simplifier les formalités administratives ou réglementaires et finalement, d’améliorer le partage de la route. Dans cette perspective, voici quelques-unes des mesures concrètes mises de l’avant et qui régissent actuellement les comportements des usagers et usagères de la route au Québec  :

  • Le principe de prudence auquel tous les usagers et usagères de la route sont tenus est clairement énoncé dans la Loi. Ainsi, la distance sécuritaire que doit maintenir le conducteur ou la conductrice d’un véhicule routier lorsqu’il dépasse une personne cycliste qui se trouve sur la chaussée ou l’accotement d’un chemin public est établie, ainsi que les termes du comportement sécuritaire qui doit être adopté. 
  • La Loi contient également différentes règles visant à encadrer les sources de distraction au volant d’un véhicule routier ou à vélo, comme l’utilisation d’un téléphone cellulaire ou d’autres appareils portatifs ainsi que des écrans d’affichage. 
  • Les règles entourant l’alcool au volant ont également été resserrées de telle sorte que dès une première récidive, le conducteur ou la conductrice voit son permis modifié et l’obligeant à conduire un véhicule muni d’un antidémarreur éthylométrique.
  • La limite de vitesse près des zones scolaires est maintenant de 30  km/h et les excès de vitesse dans de telles zones ou à proximité des chantiers de construction routière sont plus sévèrement réprimandés alors que les amendes sont passées du simple au double. La Loi prévoit aussi certaines dispositions concernant les cinémomètres photographiques et les systèmes photographiques de contrôle de circulation aux feux rouges.

Notre responsabilité commune

Outre les dispositions législatives en place pour modifier les comportements des usagers et des usagères de la route, la SAAQ consacre des ressources importantes à des campagnes de sensibilisation pour prévenir les comportements à risque et sauver des vies. Il s’agit de visiter le site Web de la SAAQ pour s’en convaincre. En lançant, il y a près d’un an son Plan d’action en sécurité routière 2023-2028, le gouvernement du Québec s’est engagé à instaurer des mesures visant à sécuriser les déplacements des personnes sur la route, particulièrement les plus vulnérables, et à améliorer la qualité des milieux de vie des citoyens et des citoyennes. Que ce soit en matière de vitesse, de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool, la drogue ou la fatigue, ou de conduite modifiée par toute source de distraction comme l’usage au volant du cellulaire et de la messagerie texte, la SAAQ mise annuellement sur ses campagnes de sensibilisation et des activités novatrices pour influencer les comportements et améliorer le bilan routier.

Adoptée par les Nations-Unies en 2005, la Journée mondiale du souvenir des victimes d'accidents de la route souligne, le 17  novembre, la mémoire des accidentés de la route. Cette Journée est l’occasion de rappeler l’importance du civisme en tout temps sur les routes et les pistes cyclables, ainsi que l’enjeu majeur que représente le changement de nos comportements au volant. 

La conduite d’un véhicule nous permet, certes, de circuler librement sur le système routier québécois, mais il s’agit d’un privilège qui s’accompagne de responsabilités pour tous les Québécois et Québécoises, peu importe leur statut social ou professionnel. Assurons-nous de toujours respecter les règles qui balisent la conduite et les comportements sur nos routes.



[2] Ce rapport date de novembre 2023, à la veille de la présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi  48 intitulé Loi modifiant principalement le Code de la sécurité routière afin d’introduire des dispositions relatives aux systèmes de détection et d’autres dispositions en matière de sécurité routière.

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