Articles jeudi 26 janvier 2023
Prix Justice Pro Bono 2022
Me Pascal Paradis, Ad. E., et Avocats sans frontières Canada
Par Marie-Hélène Paradis
Depuis douze ans, le Prix Justice Pro Bono est remis chaque année à une personne ou à un organisme qui contribue à l’amélioration de la justice en mobilisant la communauté juridique pour qu’elle partage son expertise et son temps dans le but d’améliorer l’accès à la justice. En 2022, le volet institutionnel de ce prix a été remis à l’organisation Avocats sans frontières Canada (ASFC) alors que le volet individuel allait à Me Pascal Paradis, cofondateur de l’organisme.
La force de l’action bénévole pour la justice
Me Pascal Paradis est l’un des trois cofondateurs d’Avocats sans frontières Canada et il en est le directeur général depuis 2005. « C’est avec joie et fierté que l’équipe et moi avons reçu ce prix prestigieux pour l’organisation, qui reconnaît notre capacité à mobiliser la communauté juridique dans un objectif de solidarité et montre que nous avons, en tant que juristes, quelque chose à offrir, à partager, à donner. Notre communauté fait en sorte de bâtir une synergie pour canaliser la générosité, pour donner des services à des personnes qui en ont vraiment besoin, à des personnes en situation de vulnérabilité qui sont discriminées, marginalisées ou victimes de violations très graves de leurs droits comme personnes et qui ont besoin de services juridiques », explique Me Paradis. Il ajoute que ce sont plus de mille juristes d’ici qui ont collaboré avec des juristes locaux pour devenir meilleurs, ensemble, et ce depuis vingt ans.
Avocats sans frontières Canada utilise la coopération volontaire et le bénévolat comme canalisateurs, organisateurs et mobilisateurs de la générosité du monde juridique. « Plus de dix mille heures de bénévolat ont été offertes par des juristes d’ici pour qu’il y ait moins d’inégalités, moins d’injustice dans différents pays. C’est cette générosité, cette bonne volonté reconnue par le prix qui me touche, » ajoute Me Paradis.
ASFC est né du bénévolat. Au début, il n’y avait pas de personnel, pas d’équipement, pas de bureaux. Seulement des bénévoles super engagés. Aujourd’hui ASFC a grandi et a des bureaux à l’étranger; cent cinquante personnes y travaillent à temps plein, mais c’est encore le bénévolat qui est son ADN.
Le recrutement
Les mandats confiés à Avocats sans frontières Canada varient beaucoup. Certains sont plus difficiles, selon le pays, le niveau de sécurité et les conséquences de la pandémie qui a rendu les gens plus craintifs. En général, ASFC n’a pas de difficulté à recruter ses bénévoles; il y a toujours une grande volonté d’aider et une offre de bénévolat assez importante dans la profession. « Cependant, il reste du travail à faire pour augmenter notre bassin de bénévoles dans le reste du Canada », précise Me Paradis.
La gestion, une question d’expertise
La gestion de la coopération volontaire est de plus en plus difficile. « On travaille avec des partenaires locaux pour collaborer en matière d’accès à la justice, de lutte contre l’impunité et de défense des droits de la personne. Pour ce faire, il a fallu qu’on devienne des experts en gestion de la sécurité, en problèmes sanitaires, en logistique, en lutte contre la corruption, contre l’exploitation, contre le harcèlement et les violences sexuelles. Ce sont des enjeux dont on doit se préoccuper pour bien faire notre travail. »
Les mandats
Avocats sans frontières Canada est déployé en Afrique de l’Ouest, soit au Mali, au Bénin, au Burkina Faso. Du côté de l’Amérique latine, l’organisme a des bureaux en Colombie, au Honduras, au Salvador et au Guatemala. Il est présent en Haïti depuis 17 ans. Les mandats ont principalement trait au renforcement des capacités, aux connaissances en droit international, à la maîtrise de la méthodologie et à la sensibilisation des populations affectées par la vulgarisation du droit, mais toujours en travaillant avec des partenaires locaux. L’aide juridique et l’assistance judiciaire sont données par les avocats locaux; ASFC contribue en matière de méthodologie, d’organisation, de litige stratégique. Les problématiques de violation des droits de la personne occupent aussi beaucoup de place dans les mandats. « Nous appuyons les avocats ou les groupes de la société civile qui veulent obtenir justice dans des cas très graves de violations des droits de la personne. Nous travaillons aussi à faire des plaidoyers en matière de droits de la personne, à mener des campagnes pour convaincre les gouvernements de changer des lois et d’adopter des réformes réglementaires, et à changer les pratiques pour mieux utiliser les règles de base du droit international. Nous croyons que le droit est un instrument important de changement », expose Me Paradis.
Le droit comme instrument de changement
Selon Pascal Paradis, le droit comme instrument de changement fonctionne à l’échelle internationale. « On ne va pas se substituer aux avocats locaux, on ne connaît pas le droit de chacun de ces pays. Nous travaillons sur la base du droit international, d’une méthodologie validée, des bonnes pratiques, des leçons apprises. Ce partage international entre juristes, entre organisations qui défendent les droits de la personne, ça fonctionne et c’est très puissant. C’est une source d’espoir dans un monde de plus en plus complexe et cynique, rempli de clivages. On a des résultats extraordinaires : on a réussi à faire condamner des dictateurs, des dirigeants politiques et militaires, à aider des milliers de personnes à changer leurs vies, à protéger leurs droits. On a fait changer des lois, contribué à ce que des processus de paix et de réconciliation soient entrepris, et réussi à faire respecter les droits des communautés autochtones dans plusieurs pays. »
Les besoins de bénévolat et les appuis financiers, ajoute-t-il, sont par contre toujours impératifs et nécessaires, entre autres, car les services de ASFC sont gratuits partout dans le monde. « Nous avons besoin de la contribution de tous les cabinets et avocats, au Québec comme au Canada, pour assurer la survie de ASFC et continuer notre mission à travers le monde. »
Les critères
Le Prix Justice Pro Bono vise à reconnaître l’apport d’un avocat, d’un cabinet ou d’une organisation pour son engagement pro bono dans la communauté juridique. Un jury composé de trois personnes étudie les candidatures. C’est l’engagement en matière de services juridiques pro bono et l’implication bénévole de la personne tout au long de sa carrière, du cabinet ou de la personne morale sans but lucratif (PMSBL) qui tient lieu de critère principal. Un autre élément important caractérisant la qualité d’une candidature est le fait que le candidat fasse la promotion du travail pro bono. « Comme organisme, nous avons le mandat de promouvoir le bénévolat dans la profession, indique Me Anne-Marie Santorineos, directrice générale de Justice Pro Bono. Avocats sans frontières Canada est l’illustration d’un organisme engagé socialement dans le travail pro bono et dans sa promotion. Nous désirons par la remise annuelle de ce prix faire connaître ce travail et montrer que les avocats veulent redonner à la communauté, aux personnes plus vulnérables de la société pour assurer un meilleur accès à la justice, pour contribuer à une société plus égalitaire et améliorer le sort de certaines personnes dans la société. Bien souvent, ce prix permet de rappeler les raisons pour lesquelles on devient avocat et on mène une carrière en droit », conclut Me Santorineos.