Articles dimanche 12 décembre 2021
Chronique littéraire
Huit polars sous le sapin
Par Claudia Larochelle
Espace A vous ouvre les portes du monde de la littérature avec une chronique de Claudia Larochelle. Des comptes-rendus de livres avec des sujets reliés au monde juridique pour vous donner des idées de lecture plus intéressantes les unes que les autres.
Claudia Larochelle est journaliste, auteure et animatrice. Elle fut à la barre de l’émission LIRE sur ARTV pendant quelques années, elle est maintenant animatrice d’une émission littéraire sur Savoir Médias. Elle collabore aussi à l’émission Plus on est de fous plus on lit sur ICI Radio-Canada Première. Elle signe régulièrement des textes dans différentes revues ainsi que sur Avenue.ca.
Les polars ont la cote. En France, un roman acheté sur trois est un policier. Si ça nous permet de vivre des sensations fortes par procuration tout en restant dans le confort de notre foyer, c’est aussi l’occasion de résoudre des intrigues. Parce qu’à Noël, on a plus de temps et parce que tant de gens les aiment, voici quelques titres remplis de suspense provenant de partout à travers le monde qui m’ont donné des frissons au fil des années.
1. Hors limites, Val McDermid (Flammarion)
Originaire d’Écosse, McDermid est fascinée par les cold cases. Pas étonnant que son inspectrice Karen Pirie soit devenue maître dans l’art de reprendre en main de vieux cas que personne n’est venu à bout de résoudre. Tel est le cas d’une enquête irrésolue depuis vingt ans qui pourrait enfin aboutir grâce à un test d’ADN effectué après qu’un adolescent, victime d’un accident de la route à bord d’une voiture volée, se retrouve dans le coma. La découverte de secrets si bien gardés revêt toujours un caractère sacré et ne se fait pas sans danger. Avec McDermid, qui n’a pas froid aux yeux, les moindres détails sont pris en considération, rien n’est laissé au hasard. Ses héroïnes, quant à elles, se déploient de manière magistrale, brisent les codes et les clichés rétrogrades trop longtemps accolés aux protagonistes féminines de la littérature policière.
2. Après les chiens, Michèle Pedinielli (De l’aube)
Née à Nice de parents corse et italien, cette journaliste qui ne se consacre désormais qu’à l’écriture n’est jamais très loin de l’actualité quand vient le temps d’imaginer une histoire, ou plutôt une enquête avec Ghjulia, alias Diou Boccanera, son héroïne qui prend du galon au fil des romans. Cette fois, une enquête la mène sur les traces d’un jeune Érythréen retrouvé mort à Nice, puis sur la route des réfugiés dans le village-frontière de Breil sur Roya. Difficile de ne pas apprécier cette fiction qui pourrait s’avérer tellement réelle tant l’ex-journaliste est encore collée aux événements internationaux qui façonnent le monde contemporain. Ses histoires sont non seulement haletantes, mais elles se distinguent par leur intelligence et leur grande sensibilité.
3. Rouge est la nuit, Tetsuya Honda (Atelier Akatombo)
Qui n’aime pas découvrir un nouvel écrivain de romans policiers? Parmi les quelques-uns qui se démarquent et sortent du lot en Amérique du Nord, rares sont ceux qui nous arrivent de l’Asie, ce qui est le cas avec Tetsuya Honda, écrivain de polars parmi les plus vendus au Japon et récemment traduit en langue française. Membre des Mystery Writers of Japan, il a remporté plusieurs prix prestigieux en mettant sur la sellette une lieutenante de 29 ans à Tokyo, Reiko Himekawa, qui doit faire la lumière sur la découverte d’un corps mutilé près d’un parc. Il ne s’agit pas seulement de mener l’enquête puisque Himekawa doit aussi faire face aux railleries et aux commentaires machos de certains collègues au sein d’une société encore traditionnelle. On accroche à l’histoire et en plus, on est convié par Honda à un véritable voyage au cœur du peuple tokyoïte. Fascinant.
4. Neiges rouges, François Lévesque (Alire)
Journaliste culturel au Devoir, François Lévesque a déjà plusieurs romans policiers à son actif et ses histoires, franchement bien ficelées, sont dotées d’une voix qui ne ressemble à aucune autre et ne répond à aucun cliché du genre. Dans ce récent opus, il nous transporte au poste de la Sûreté du Québec de Nottaway auprès de deux policiers, dont un abat froidement une mère autochtone alors qu’elle était en fuite avec sa fille adolescente, maintenant introuvable. Son collègue, sûr d’être éliminé, s’empresse d’être plus rapide et s’en sort avec quelques blessures, mais demeure surtout obsédé par le geste de son partenaire. Il faudra retrouver la jeune fille en fuite pour résoudre l’énigme qui nous garde en haleine jusqu’à la fin. L’écriture de l’auteur est belle et limpide, ce qui rend cette enquête encore plus prenante.
5. Succion, Yrsa Sigurdardottir (Actes Sud)
Ah ce qu’elle est douée pour glacer le sang, cette Yrsa Sigurdottir, romancière islandaise qui a fait ses études de maîtrise en génie à Montréal! Elle vit et écrit aujourd’hui à Reykjavik, auprès de son mari et de ses deux enfants. Alors que sa vie semble idyllique à bien des égards, ce sont plutôt le chaos et les drames effritant des familles qu’on retrouve dans ses romans. Avec Succion, elle s’est une fois de plus surpassée en racontant l’histoire d’une petite fille qui disparaît et de l’inspecteur Huldar qui, lui, trouve deux mains coupées dans un jacuzzi… Freyja, psychologue pour enfants, reprendra, elle aussi, du service pour aider dans cette enquête que quelques cœurs trop sensibles ne supporteront pas, surtout les parents-poules!
6. En attendant le jour, Michael Connelly (Calmann-Lévy)
Si on a eu du mal à se séparer de l’inspecteur Harry Bosh, inspecteur au LAPD récemment retraité et héros de Connelly depuis belle lurette, on ne risque pas de s’en ennuyer longtemps en faisant connaissance avec sa nouvelle héroïne, Renée Ballard, inspectrice reléguée au quart de nuit au commissariat d’Hollywood. Ça commence fort pour elle, et d’une manière un peu illicite parce qu’elle est appelée à enquêter sur des affaires qu’elle n’a pas le droit de mener à long terme… En fait, Renée Ballard dépend des hommes avec lesquels elle travaille pour faire ses preuves. Ces derniers la respectent juste quand ils ont besoin d’elle pour des enquêtes délicates impliquant femmes et enfants par exemple… Même si elle obéit aux ordres, ce serait mal la connaître que de penser qu’elle abandonnera deux affaires sur lesquelles elle travaille : le meurtre d’un prostitué et la mort d’une serveuse dans un bar lors d’une fusillade. Ce polar, c’est aussi le parcours d’une femme qui tente de faire sa place dans un milieu d’hommes.
7. Le chasseur de lapins, par Lars Kepler, Actes Sud
J’attends chaque fois le prochain Lars Kepler comme d’autres attendent le Messie. Les thrillers psychologiques de ce couple de Suédois qui écrit sous un nom de plume ont tout pour faire passer des nuits blanches, tant ils sont haletants et bien ficelés. C’est encore le cas avec Le chasseur de lapins, dans lequel on suit une affaire où un ministre a été assassiné alors qu’il se trouvait avec une prostituée. L’inspecteur Joona Linna devra faire vite, car les têtes tombent…
8. Au royaume des aveugles, Louise Penny (Flammarion Québec)
Originaire de Toronto, ancienne journaliste et animatrice radio à CBC, celle qui est aussi l’amie du couple Hillary et Bill Clinton a laissé sa profession pour se consacrer à l’écriture de romans policiers. Par chance pour elle et pour nous, ce fut un succès instantané. Ce quatorzième roman de la romancière compte parmi mes préférés et met à nouveau de l’avant Armand Gamache, inspecteur-chef à la section des homicides à la SQ, devenu directeur général de l’organisation, mais provisoirement démis de ses fonctions le temps d’une enquête interne l’impliquant. Le revoici donc à Three Pines alors qu’une parfaite inconnue récemment décédée l’a désigné comme liquidateur testamentaire, avec deux autres individus. Personne ne prétend connaître la défunte. Pourquoi eux? Après tout, celle qui avait trois enfants et se faisait appeler « La Baronne » a connu beaucoup de gens au cours de sa vie mouvementée. En plus du mystère qui s’épaissit au fil des jours, des vies sont menacées et il y aura des morts!