Articles jeudi 9 février 2023
La carrière inspirante d’un homme authentique et engagé
La France remet la Légion d’honneur à l’honorable J. Michel Doyon, c.r., Ad. E.
Par Marie-Hélène Paradis
Le 26 juillet 2022, le président français Emmanuel Macron accordait à l’honorable J. Michel Doyon, lieutenant-gouverneur du Québec, la grande distinction de chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur.
Créée par Napoléon Bonaparte en 1802, la Légion d’honneur est remise à des individus en reconnaissance de leurs mérites au service de la nation. Environ un million de personnes ont été décorées depuis sa création et, en juillet 2022, quatre Canadiens ont reçu cet honneur, dont l’honorable J. Michel Doyon. Celui-ci a été honoré pour sa contribution exceptionnelle à la coopération franco-québécoise dans le secteur de la justice et au rayonnement de la Francophonie dans un domaine occupé par les pratiques anglo-saxonnes.
En 2007, Me Doyon est bâtonnier du Québec. Le premier ministre québécois de l’époque, Jean Charest, invite le Barreau du Québec au soutien d’une entente en cours de négociation entre la France et le Québec et visant la reconnaissance mutuelle des qualifications des professionnels québécois et français. Fruit d’un partenariat historique entre le gouvernement et les ordres professionnels du Québec, l’entente sera finalement signée en 2008 par le premier ministre Jean Charest et le président de la France, Nicolas Sarkozy. « Lorsque le négociateur du gouvernement québécois, Me Gil Rémillard, m’a demandé si le Barreau était intéressé par ces travaux, j’ai tout de suite vu l’intérêt d’y participer pour les avocats québécois. Le gouvernement a d’abord été surpris, car il croyait que le Barreau serait opposé en raison des très grandes différences qui existent entre les traditions juridiques des deux pays », souligne Me Doyon. C’est, croit-il, la raison pour laquelle il a obtenu cette prestigieuse reconnaissance.
Ce qui allume le bâtonnier Doyon et le rend favorable aux négociations, c’est l’idée d’ouvrir la profession d’avocat à davantage de mobilité. Le Barreau est d’ailleurs le premier ordre professionnel à avoir accepté cette mobilité. « J’ai vu dans ce projet qu’il y avait une possibilité pour les jeunes avocats du Québec d’aller pratiquer en Europe et d’ouvrir une porte vers la communauté européenne. Les négociations se sont faites avec le bâtonnier du Barreau de Paris, Me Paul-Albert Iweins, et nous avons réussi à établir une façon de procéder sans avoir à recommencer la formation. Nous nous sommes appuyés sur les règles éthiques pour en arriver à une entente. Les règles de l’éthique étant sacrées dans les professions, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas établir la question de la mobilité en se basant sur celles-ci? » S’il ne respecte pas les règles déontologiques des barreaux du Québec et de France, un avocat peut être radié. Ainsi, si un avocat québécois pratiquant en France déroge à ces règles et est radié en France, il est radié automatiquement au Québec, et vice-versa. Dès lors, un avocat français ou québécois admis à exercer au Québec ou en France peut, tout en se formant au droit du pays hôte, conseiller des clients sur le droit ou la façon de faire des affaires dans son pays d’origine.
Signé en 2009, l’Arrangement de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (ARM) conclu par le Barreau du Québec et le Conseil national a consacré cette collaboration entre la France et le Québec et a permis à ce grand projet de reconnaissance des diplômes de prendre forme, d’ancrer institutionnellement les liens franco-québécois et d’offrir aux membres du Barreau du Québec ayant obtenu leur diplôme d’une université québécoise la possibilité de se prévaloir de cette entente.
Un parcours riche et atypique
L’honorable J. Michel Doyon a obtenu son premier diplôme, un baccalauréat ès arts, de l’Université Laurentienne de Sudbury. Il étudie par la suite en histoire à l’Université Laval de Québec, où il obtient une maîtrise puis une licence en droit et un doctorat en histoire, pour ensuite compléter une scolarité de doctorat en philosophie. Pourquoi avoir accumulé autant de diplômes dans des domaines différents? « J’aimais les études et acquérir des connaissances. C’est facile si on est curieux. Je crois que le droit, l’histoire et la philosophie se complètent. L’enseignement de l’histoire m’a mené au droit pour mieux comprendre, par exemple, les grands conflits mondiaux. Et la philosophie m’a aidé à comprendre le sens de la justice. Le droit n’est pas la justice; la justice est un concept philosophique et le droit, quant à lui, détermine l’ensemble des règles de la vie en société. »
Tout au long de sa carrière comme enseignant, bâtonnier et avocat, Michel Doyon s’est impliqué dans de nombreuses causes et a siégé au sein de plusieurs conseils d’administration. Ces implications lui valent d’être nommé conseiller de la reine en 1992 et Avocat émérite en 2009. Il obtient en 2014 le Prix du Centenaire du Jeune Barreau de Québec, et en 2016, la Médaille du Barreau du Québec lui est remise.
Lieutenant-gouverneur
En 2015, Me Doyon devient le 29e lieutenant-gouverneur du Québec. Au-delà des fonctions constitutionnelles dont il doit s’acquitter (signature des projets de loi et des décrets, assermentation des ministres, etc.), le lieutenant-gouverneur explique qu’il a jugé important de mettre en lumière le travail bénévole, qui est pour lui de la plus grande importance. « Il est essentiel de mettre en valeur l’implication sociale bénévole des gens. En tant que lieutenant-gouverneur, je remets des médailles aux aînés et aux jeunes qui, par leur bénévolat, aident leurs concitoyens et concitoyennes, de même que la Médaille du Lieutenant-gouverneur à des personnes dont l’apport est exceptionnel au sein de leur communauté. »
Michel Doyon est aussi à l’origine de la création de la Médaille Premiers Peuples du lieutenant-gouverneur du Québec, catégorie Nation Inuite et catégorie Premières Nations. Cette médaille est décernée en reconnaissance du parcours de personnes remarquables qui, par leurs réalisations, leur implication et leur engagement, contribuent au rayonnement de leur communauté, de leur nation ou des Premiers Peuples au Québec, au Canada ou à l’international. Les récipiendaires sont reconnus comme des personnes inspirantes et porteuses de changement devant les défis sociaux, culturels, communautaires et économiques des Premiers Peuples.
En conclusion, on ne peut que reprendre les propos tenus par le professeur Nabil Antaki lors de la remise de l’insigne de la Légion d’honneur à l’honorable Michel Doyon :
« Permettez-moi de dire sur une note plus personnelle qu’à mon avis, l’honorable Michel Doyon a le mérite d’être demeuré, malgré son parcours exceptionnel, la personne qu’il était, il y a plus de 50 ans. Un homme simple, authentique, mesuré, passionné de justice et qui a toujours exercé ses fonctions avec élégance, retenue et dignité. Les sociologues du XVIIe siècle auraient dit que l’honorable Michel Doyon est un honnête homme! »