Articles jeudi 31 octobre 2024
Encadrer l’IA : les multiples travaux du Barreau
Par Julie Perreault
Le 25 octobre dernier, le Barreau du Québec a lancé en grande pompe son guide L’intelligence artificielle générative - Guide pratique pour une utilisation responsable pour accompagner ses membres dans l’emploi de cette nouvelle technologie. Mais, ce n’est pas tout…
Plusieurs scientifiques, intervenants et observateurs l’ont maintes fois mentionné, pour ne pas dire réquisitionné : il faut implanter plus de balises pour gérer adéquatement l’intelligence artificielle (IA). Malheureusement, les avancées dans ce domaine demeurent peu nombreuses à ce jour.
Voulant être proactive et donner les outils nécessaires à ses membres pour qu’ils bénéficient avec confiance des avantages que posent l’IA, l’équipe du Barreau du Québec a mis sur pied plusieurs initiatives en la matière dont bon nombre se déploieront au cours des prochains mois.
Former et accompagner
En premier lieu, une première formation, L’IA générative et le droit : de l’algorithme à la déontologie appliquée, a été donnée le 25 octobre dans le cadre de la Journée IA en collaboration avec IVADO du Barreau du Québec. « Au cours des prochains mois, nous allons présenter cette formation à quatre autres reprises. Étant donné qu’il s’agit d’une technologie qui évolue rapidement, nous allons adapter la formation périodiquement afin qu’elle prenne en compte les nouvelles compétences, les avancées et les récents développements », indique Me Catherine Ouimet, directrice générale du Barreau du Québec.
Le même jour, l’ordre professionnel a également présenté son guide L’intelligence artificielle générative — Guide pratique pour une utilisation responsable, qui détaille comment assurer un usage éthique de cette technologie dans le cadre de ses fonctions.
Des comités et instances proactifs
Qui plus est, le Barreau a mis sur pied un comité d’experts composé de membres de la profession, qui le conseille sur chacune de ses initiatives et qui révise les outils en préparation. Un comité interne d’employés a également été créé afin de répertorier les opportunités pour intégrer l’IA dans les opérations du Barreau « Nous voulons bien outiller nos membres, mais, il est certain que nous désirons également optimiser notre propre efficacité. Ce comité va permettre de se pencher sur les moyens de bien employer l’IA en toute sécurité pour rendre le Barreau plus productif », indique Me Ouimet.
En plus de ces comités, une table de concertation comprenant différents intervenants du milieu de la justice sera aussi créée prochainement.
« Notre objectif est de rassembler des acteurs dans le milieu de la justice et celui de l’IA afin de mobiliser les efforts en matière de développement d’outils IA destinés à la profession et au public et de préparer un cadre de gouvernance. En matière d’IA et de son utilisation en droit, le Barreau souhaite prendre un rôle unificateur auprès de toutes les parties prenantes, telles que le ministère de la Justice du Québec, le ministère de la Justice du Canada, les organisations d’information juridique et les cabinets d’avocats, pour éviter le dédoublement et le développement de trop nombreuses sources distinctes. Car, plus l’information sera de qualité, plus ce sera positif pour la pratique et pour le public. »
Me Catherine Ouimet, directrice générale
Le Barreau est actuellement en train de concevoir un encadrement pour le développement d’outils IA soit par les avocats ou par des non-avocats. À l’aide de ces outils et du cadre mis en place, un ou une avocate qui souhaiterait concevoir un produit de l’IA offrant des services juridiques pourra le faire adéquatement et éthiquement, par exemple. Ces ressources seront aussi mises à la disposition des membres du public. « Nous savons que des outils sont en développement actuellement. Certains de ces outils seront disponibles directement pour le public. Il est donc important que le Barreau encadre le développement de ceux-ci pour mieux protéger le public contre les risques qui y sont associés ».
« D’ailleurs pour le public, nous lancerons sous peu une campagne de sensibilisation de l’utilisation de l’IA en matière de droit. Par exemple, lorsqu’un citoyen pose une question juridique dans ChatGPT. Normalement, l’agent conversationnel devrait répondre qu’il n’est pas formé sur le sujet. Mais, nous nous sommes rendu compte qu’il lui arrive de donner de la mauvaise information ou de l’information incomplète. Nous ne voulons pas mener une campagne de peur, bien au contraire. Mais, nous voulons inciter les gens à faire preuve de prudence et à se renseigner davantage, entre autres, auprès de professionnels du droit », mentionne Me Ouimet.
Une zone de tests
Il y a quelques années, le Barreau du Québec a également lancé un projet-pilote intitulé le Bac à sable. « Il s’agit d’un projet par l’intermédiaire duquel on peut inviter des modèles d’affaires qui ne sont pas nécessairement en conformité avec notre législation actuellement. Par l’entremise du Bac à sable, on leur permet de faire des affaires selon un modus operandi et des conditions précises. Par exemple : un membre du public qui créerait un outil de conseils juridiques, alors qu’il n’est pas avocat. Normalement, cela serait considéré comme de l’exercice illégal. Mais, après une période donnée de tests, si les résultats étaient concluants et respectaient le cadre que nous aurions mis en place, nous pourrions éventuellement octroyer une exemption à une personne ou une entreprise », explique la directrice générale.
Pour l’heure, quelques organismes ont pu participer au projet-pilote. Les travaux du Barreau du Québec sont toujours en cours pour obtenir une habilitation d’exemption, comme l’a notamment fait l’Autorité des marchés financiers pour un projet similaire.
« Bien qu’avancé dans nos projets, l’important pour nous est de continuer à s’assurer que nous soyons toujours à jour dans ce qui se fait concernant l’IA, afin que nos membres puissent l’utiliser adéquatement et que le public demeure protégé », résume Me Ouimet.